Une lettre autographe de Gustave Flaubert : « L’Homme qui a fait Bovary se retrouve dans Salammbô… »
Ce mois-ci notre galerie propose une très belle lettre autographe signée de Gustave Flaubert (1821-1880). Elle est datée d’octobre 1879, soit quelques mois avant la mort de l’écrivain (mai 1880). La lettre est adressée à Jules Lemaître (1853-1914) alors jeune agrégé de lettres, professeur au lycée du Havre et futur critique dramatique. En 1879, Gustave Flaubert est en pleine rédaction de ce qui sera son dernier roman, Bouvard et Pécuchet (roman inachevé à sa mort). Deux ans auparavant, Flaubert avait fait publier un de ses chefs d’oeuvre : Trois Contes, recueil de trois nouvelles : « Un coeur simple », « Légende de Saint-Julien l’hospitalier » et « Hérodias ». Ce recueil était paru chez Charpentier.

Jules Lemaître avait écrit à Flaubert le 19 octobre : Monsieur et cher maître, Vous ne sauriez croire le plaisir que m’a fait votre bonne lettre, si indulgente et si cordiale. – Je vous envoie le second article, avec l’espoir que vous me pardonnerez s’il contient quelque chose qui vous déplaise. – Vous trouverez, dans les dernières pages de la Revue qqs humbles sonnets de ma façon, des vers de pédagogue, une espèce d’appendice rimé au Manuel du baccalauréat… »
Jules Lemaître avait fait paraitre deux articles : « les romans de moeurs contemporaines » et « Les romans de moeurs antiques » dans lesquels il mentionnait de manière élogieuse les oeuvres de Flaubert. Les articles étaient parus dans la Revue politique et littéraire (Revue bleue) (11 et 18 octobre 1779). Dans l’un d’eux, Lemaître écrira : « Salammbô peut être tout ce qu’on voudra, excepté une œuvre indifférente. C’est bien certainement un des produits les plus singuliers, les plus compliqués de l’art contemporain. Cela tient du chef-d’œuvre et du tour de force. C’est fait de grandeur et de raffinement outré ».
La lettre que nous présentons à notre catalogue est donc la réponse de Flaubert qui écrit :
« Je vous remercie pour ce que vous dites bien familièrement de St Antoine qui est le fruit fils de mes entrailles. Permettez moi une petite remarque : Hérodias ne me semble pas fait dans les mêmes procédés que Salammbô ? J’ai voulu être plus sobre – & l’intention historique y est plus rigoureuse. Il y a maintenant une grande place à prendre dans la critique. Vous avez tout ce qu’il faut pour la conquérir. Allez-y. On peut en faire une, toute neuve – & qui ne ressemblera pas plus à celle de Ste Beuve qu’à celle de Laharpe. Nous en causerons. je vous trouve dur pour vos vers. le dernier tercet sur Fénelon est une merveille de justesse. Tout à vous. Flaubert ».

Flaubert échangera jusqu’à sa mort plusieurs lettres avec Jules Lemaître. Il l’invitera même à le rencontrer à Croisset en novembre 1879.
Vous pouvez retrouver cette lettre autographe de Flaubert sur le site de notre galerie.
Les textes concernant les deux articles de Jules Lemaître cités plus haut sont consultables dans leur intégralité sur le site de l’Université de Rouen.