Un agent au service des Rois : le mystérieux Baron de Batz

Notre galerie propose actuellement à son catalogue une très rare et intéressante lettre autographe du légendaire agent et aventurier royaliste Jean-Pierre de Batz (1754-1822). Pour les passionnés de la Révolution française, et pour ceux qui ont été et sont encore sensibles au sort de la famille royale, le Baron de Batz est une grande figure de l’ombre de la Contre-Révolution. Il est celui qui aurait tenté de sauver Louis XVI de l’échafaud. Le 21 janvier 1793, Batz aurait eu pour projet de lever une petite armée de 2.000 gentilhommes chargée d’enlever le roi lors de son (long) parcours entre la prison du Temple et la place de la Révolution. La tentative échoua faute a priori d’une mobilisation suffisante des défenseurs de Louis XVI. 

Le Baron de Batz (1754-1822)

À Paris, une plaque commémore cet épisode  à l’endroit même de la tentative d’enlèvement, 52 rue de Beauregard (2e arrondissement). Cette plaque a été posée en 1989 dans le cadre du bicentenaire de la Révolution française.

Néanmoins, des doutes subsistent sur la réalité d’un projet qui est entré dans la légende du royalisme. Les faits seraient nés d’une dénonciation d’un membre du Tribunal révolutionnaire. Cette dénonciation était appuyée par les dires de Pierre Devaux secrétaire personnel de Batz. Or, aucun procès-verbal ou document judiciaire ne nous sont parvenus validant la véracité des faits. Peut-être, pouvons-nous mettre cette absence de sources écrites officielles sur le compte des destructions d’archives qui ont émaillé l’histoire depuis. Toutefois, une chose semble sûre, nous savons que des royalistes ont été tués sur le parcours du roi le menant à la guillotine, et notamment dans le quartier de Bonne-Nouvelle (où se situe encore aujourd’hui la rue Beauregard). 

Quoi qu’il en soit, le mystère entourant le Baron de Batz est auréolé par sa capacité à n’avoir jamais été arrêté alors qu’il était sévèrement recherché sous la Terreur. Certains disent même qu’il avait empêché Robespierre de dormir…
Après l’exécution de Louis XVI, Batz était resté à Paris dans un état de semi-clandestinité. En octobre 1793 il est désigné par le Comité de Salut public comme un des responsable de l’affaire de la liquidation de la compagnie des Indes. Batz est accusé d’avoir voulu ruiner la République (dénoncé par François Chabot à Robespierre alors que Chabot lui-même était accusé). Recherché activement, Batz voyage en province et en Suisse et échappe aux recherches. Il revient à Paris au moment du soulèvement royaliste du 13 vendémiaire   auquel il participe (25 octobre 1795). Il est emprisonné et finalement relâché grâce à sa future épouse (qui avait eu la présence d’esprit de détruire tous les documents suspects à son domicile avant la mise des scellés). Rayé de la liste des émigrés sous le Consulat, Batz cesse toutes activités politiques et se réfugie dans son domaine auvergnat de Chaudieu.

Les Bourbons de retour sur le trône en 1814, Batz est couvert d’honneurs et obtint le grade de maréchal de Camp et la croix de Saint-Louis. La lettre autographe signée du Baron de Batz que nous proposons est écrite quelques jours avant l’arrivée de Louis XVIII à Paris. Elle est datée du 20 avril 1814, quelques jours après l’abdication de Napoléon Ier. Cette lettre semble conclure un cycle et témoigne du soulagement et de la loyauté d’un fervent royaliste qui aura consacré presque toute sa vie à la cause des Bourbons. Voici sa retranscription : 

« Monseigneur,

Si votre altesse Royale a daigné conserver quelque mémoire de mon dévouement, comme j’ai l’orgueil de l’espérer, elle me plaindra de n’avoir pas été des premiers à ses pieds à son arrivée en France. Il n’y aurait pas d’expressions pour mes regrets s’il n’avait pas été utile, peut-être, que je veillasse ailleurs ; et dans ces derniers temps, à Montpellier, ville principale qu’environnaient des chances périlleuses. Tout y était organisé pour un courageux effort ; mais la main de Dieu devait seule nous rendre les Bourbons, et la félicité, la réhabilitation de la France, attachées uniquement à leur retour.

Lettre autographe signée du Baron de Batz à Louis XVIII quelques jours après l’abdication de Napoléon Ier.

Quelques derniers renseignements précieux à recueillir, et des sollicitations auxquelles j’ai dû céder, me retenant quelques moments encore, je ne puis soutenir l’idée de paraître en retard, ou d’un zèle faible. Daignés donc me pardonner, Monseigneur, d’oser vous assurer qu’aucun français ne me surpasse en dévouement à la plus sainte des causes, et à votre altesse Royale personnellement. 

Je vais d’autant plus me hâter de retourner à Paris, que j’apporterai des notions utiles sur les choses et les personnes pour assurer le parfait repos et la satisfaction générale de ces contrées qui méritent une attention particulière. Peut-être même pourrai-je offrir les moyens de rendre un plus important service.

Au terme de tant de calamités, combien il me sera doux, Monseigneur de pouvoir présenter de nouveau à votre altesse Royale, les félicitations et le dévouement qui ne s’est jamais démenti, de la même noblesse d’Albret dont elle avait daigné accepter la députation : ce souvenir ne mourra jamais sur le territoire qui a été le premier patrimoine de notre immortel Henri votre aïeul.

Je suis avec respect,

Monseigneur,

de votre alterse Royale

Le plus fidèle, le plus dévoué et le plus passionné serviteur.

Le Bon de Batz ».

Notons enfin que les écrits du Baron de Batz sont excessivement rares. Vous pouvez retrouver tous nos autographes de la Révolution française sur le site internet de notre Galerie.

Plaque commémorative de la tentative d’enlèvement du roi Louis XVI par le Baron de Batz et ses hommes (21 janvier 1793)