Nicolas Copernic : Des Révolutions des sphères célestes, trésor de la bibliophilie.
Aujourd’hui, sortons un peu des autographes et des manuscrits afin de nous intéresser à leurs cousins : les livres anciens. Si il est encore possible d’acquérir une lettre ou un manuscrit (même un bout) de Newton, Darwin ou d’Einstein, il semble fort difficile de s’offrir Copernic (1473-1543). Et pour un amoureux des sciences, ce dernier est certainement le plus important d’entre eux. En démontrant que la Terre tourne autour du soleil et qu’elle n’est pas le centre de l’univers, Nicolas Copernic bouleversa l’histoire de la pensée. Il fut un détonateur, l’épicentre d’un séisme scientifique, philosophique et religieux, ce que l’on nomme « le révolution copernicienne ».

Pendant près de 36 ans, Nicolas Copernic, convaincu de ses théories sur l’héliocentrisme, cacha celles-ci sans les divulguer (exceptées auprès de quelques amis choisis). Ce secret était une nécessité absolue compte tenu du danger que ses thèses auraient pu lui attirer de la part du Vatican (les représentations de l’univers et les bases de l’astronomie reposaient depuis 13 siècles sur les théories du système de Ptolémée (100-168 ap. J-C.). Néanmoins, ce risque inquisitorial n’explique pas pleinement les raisons de cette prudence. Les intuitions de Copernic devaient être démontrées scientifiquement, sans la moindre faille. Et cette démonstrations faisait face à des difficultés de calculs pratiquement insurmontables (notamment du fait que Corpenic ignorait les trajectoires elliptiques que Kepler allait découvrir un siècle plus tard).
Pendant ces années de travail et de silence, Copernic rédige son oeuvre majeur : De Revolutionibus Orbium Coelestium (Des Révolutions des sphères célestes). Il termine sa rédaction en 1530. Ses thèses de l’héliocentrisme se diffusent jusqu’au pape Clément VII. Vers 1540, des copies de son essai circulent déjà. Ce n’est seulement qu’en 1543 que l’ouvrage parait chez un imprimeur basé à Nuremberg, l’année même de la mort de Copernic (il meurt le 24 mai à l’âge de 70 ans). Mort, Copernic ne fut jamais inquiété pour ses théories. En 1616, son livre fut cependant interdit par l’église catholique (interdiction qui ne sera levée qu’en… 1835). Cette interdiction n’était que partielle car l’Église avait autorisé sa publication à la condition que des corrections soient apportées à certains passages, et particulièrement ceux traitant du modèle héliocentrique. Chaque possesseur de l’ouvrage avait pour obligation d’effacer les passages interdits ou de les remplacer par des textes reconnus par l’Église (cette censure ne fut appliquée qu’en Italie tandis que des copies du texte intégral se diffusèrent à travers l’Europe).

L’édition originale de cet essai est un trésor bibliophilie inestimable, un des livres les plus célèbres et les plus convoités par les bibliophiles du monde entier. Relié en vélin souple, d’un format in-folio (278 x 200 mm) cet essai comporte 202 feuillets illustrés de 142 diagrammes gravés sur bois. Cette édition avait été imprimée à Nuremberg par Johannes Petreius. Le professeur d’université Owen Gingerich (né en 1930), chercheur en astronomie et en histoire des sciences à l’université d’Harvard aux Etats-Unis, n’a recensé que 277 exemplaires dont seuls 25 demeurent aujourd’hui en mains privées. Sur ces 25 exemplaires, seul 10 sont en reliure d’époque.
En octobre 2005, à Paris, un fabuleux exemplaire de ce traité passa en salle de vente (Pierre Bergé / Collection Pierre Bérès). Estimé à 150.000 / 250.000 €, il fut adjugé 710.000 € (818.454 € frais de vente compris). L’exemplaire provenant du fonds de la librairie de Pierre Bérès (1913-2008) était un des trois plus grands connus. Connu pour son format et par la rareté de ses marges (il s’agissait d’un exemplaire en pleines marges, non rognées).
Pierre Bérès avait acquis cet exemplaire lors d’une vente aux enchères en novembre 1967 à Genève (l’exemplaire porte un ex-libris manuscrit « H. Magli 1815). Lors de la vente de 2005, le bruit a couru que c’était un libraire anglais qui s’en était porté acquéreur, agissant pour un collectionneur français. Cet exemplaire a été prêté en 2014 à la galerie Gradiva (9 quai Voltaire à Paris) lors d’une exposition. Il dort désormais dans la bibliothèque (ou le coffre) d’un collectionneur privé dont le nom ne sera jamais divulgué.

Quant au manuscrit lui-même, Copernic en fit don avant sa mort à son ami Tiedmann Giese (évêque de Chelano). Ensuite, Giese donna ce manuscrit à Georg Joachim Rheticus (1514-1574), célèbre astronome qui poussa et décida Copernic à publier son oeuvre. À la mort de Rhéticus, son disciple Valentin Otho de Magdebourg en hérita et l’emporta en Allemagne. En décembre 1603, Magdebourg le vendit à l’astronome Jakob Christmann (1554-1613) qui l’utilisa pour la préparation de son oeuvre « Theoria Lunae ». À sa mort, sa veuve le céda au philosophe et grammairien Comenius (Jan Amos Komensky). Aujourd’hui, le manuscrit de Copernic est la propriété de l’Université de Cracovie.
