L’exécution d’un collaborateur en 1944 : une lettre autographe pendant l’épuration.
Ce mois-ci notre galerie propose une très intéressante lettre autographe relative à l’exécution du fonctionnaire et préfet de la Lozère Roger Dutruch (1893-1944). Nommé à son poste en 1941 par le gouvernement de Vichy, Roger Dutruch est mort fusillé après jugement d’un comité de résistance le 28 septembre 1944. Il lui avait été principalement reproché sa collaboration avec la gestapo et l’armée allemande lors de la sanglante répression contre le maquis Bir Hakeim en mai 1944 (61 résistants morts dont 35 fusillés et torturés).

Cette lettre est écrite par le beau-père de Roger Dutruch et adressée au maire d’Etrechy (Essonne). Nous retranscrivons ci-dessous quelques passages de ce témoignage qui met en lumière cette période trouble, ce moment de flottement historique où les haines, les ressentiments, les menaces de guerre civile, la fragilité d’un régime à reconstruire, les humiliations, sont à leur paroxysme :
« Mon pauvre gendre a été fusillé par une bande de brigands maitres de tout le département, après l’avoir incarcéré ils l’ont lâchement assassiné avant d’avoir reçu le recours engrave que le général de Gaulle avait expédié, précipitant ainsi le dénouement de ce drame horrible. Mon gendre, après s’être préparé chrétiennement à la mort a fait preuve d’un courage héroïque. « Sa mort, m’a dit ma fille, a été celle d’un saint et d’un héros ». Avant de mourir il a crié « Vive la France, je donne ma vie pour le salut de la France » ; et comme le chanoine qui l’assistait lui disait qu’il allait célébrer pour lui la sainte messe, il a répondu qu’il le remerciait et qu’il y assisterait de là-haut. Telles furent ses dernières paroles. (…)Pour vous donner le détail circonstancié de ce drame, il faudrait bien des pages où je pourrais étaler la perversité et la haine des assassins. ceux-ci, non contents de l’avoir tué ont inventé pour justifier leur crime cette rubrique : « exécuté pour intelligence avec l’ennemi » !!! Quelle sanglante ironie ! Tout prouve le contraire ; mais le tribunal révolutionnaire a voulu tout étouffer et l’avait condamné d’avance ainsi que cela se passait en 1793. Et voyez jusqu’ou peut aller le sadisme du crime, la lâcheté de la conscience humaine. (…)Non content d’avoir lâchement massacré un des meilleurs fonctionnaires de l’administration, on a voulu ternir sa mémoire et le déshonorer en prétendant qu’il était d’intelligence avec l’ennemi ; lui qui haïssait les allemands de tout son coeur, qui s’était engagé volontaire en 1914, qui a eu la croix de guerre et une belle citation, qui a été décoré de la légion d’honneur pour fait de guerre, qui a été blessé à Verdun et est retourné aux premières lignes sans attendre la guérison de sa blessure. Et que dire encore ? De ses qualités comme époux, père, ami et préfet ! Il vous suffira de savoir que toute la population de la ville capitale du département et même du département tout entier, n’a eu qu’un cri d’horreur pour protester contre un pareil forfait... »
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