Catégorie : Nouveaux documents

Une lettre autographe de Gustave Flaubert : « L’Homme qui a fait Bovary se retrouve dans Salammbô… »

Ce mois-ci notre galerie propose une très belle lettre autographe signée de Gustave Flaubert (1821-1880). Elle est datée d’octobre 1879, soit quelques mois avant la mort de l’écrivain (mai 1880). La lettre est adressée à Jules Lemaître (1853-1914) alors jeune agrégé de lettres, professeur au lycée du Havre et futur critique dramatique. En 1879, Gustave Flaubert est en pleine rédaction de ce qui sera son dernier roman, Bouvard et Pécuchet (roman inachevé à sa mort). Deux ans auparavant, Flaubert avait fait publier un de ses chefs d’oeuvre : Trois Contes, recueil de trois nouvelles : « Un coeur simple », « Légende de Saint-Julien l’hospitalier » et « Hérodias ». Ce recueil était paru chez Charpentier.

Gustave Flaubert (1821-1880)

Jules Lemaître avait écrit à Flaubert le 19 octobre : Monsieur et cher maître, Vous ne sauriez croire le plaisir que m’a fait votre bonne lettre, si indulgente et si cordiale. – Je vous envoie le second article, avec l’espoir que vous me pardonnerez s’il contient quelque chose qui vous déplaise. – Vous trouverez, dans les dernières pages de la Revue qqs humbles sonnets de ma façon, des vers de pédagogue, une espèce d’appendice rimé au Manuel du baccalauréat… »
Jules Lemaître avait fait paraitre deux articles : « les romans de moeurs contemporaines » et « Les romans de moeurs antiques » dans lesquels il mentionnait de manière élogieuse les oeuvres de Flaubert. Les articles étaient parus dans la Revue politique et littéraire (Revue bleue) (11 et 18 octobre 1779). Dans l’un d’eux, Lemaître écrira : « Salammbô peut être tout ce qu’on voudra, excepté une œuvre indifférente. C’est bien certainement un des produits les plus singuliers, les plus compliqués de l’art contemporain. Cela tient du chef-d’œuvre et du tour de force. C’est fait de grandeur et de raffinement outré ».

La lettre que nous présentons à notre catalogue est donc la réponse de Flaubert qui écrit :

« Je vous remercie pour ce que vous dites bien familièrement de St Antoine qui est le fruit fils de mes entrailles. Permettez moi une petite remarque : Hérodias ne me semble pas fait dans les mêmes procédés que Salammbô ? J’ai voulu être plus sobre – & l’intention historique y est plus rigoureuse. Il y a maintenant une grande place à prendre dans la critique. Vous avez tout ce qu’il faut pour la conquérir. Allez-y. On peut en faire une, toute neuve – & qui ne ressemblera pas plus à celle de Ste Beuve qu’à celle de Laharpe. Nous en causerons. je vous trouve dur pour vos vers. le dernier tercet sur Fénelon est une merveille de justesse. Tout à vous. Flaubert ». 

Lettre autographe de Gustave Flaubert à Jules Lemaître en date du 21 octobre 1879.

Flaubert échangera jusqu’à sa mort plusieurs lettres avec Jules Lemaître. Il l’invitera même à le rencontrer à Croisset en novembre 1879.

Vous pouvez retrouver cette lettre autographe de Flaubert sur le site de notre galerie.

Les textes concernant les deux articles de Jules Lemaître cités plus haut sont consultables dans leur intégralité sur le site de l’Université de Rouen.

Le Massacre de la rue Transnonain (14 avril 1834) : un imprimé d’époque du général de Failly.

Le massacre de la rue Transonain nous évoque dans un premier temps l’oeuvre la plus connue d’Honoré Daumier. Dans cette lithographie, on y voit un homme mort, glissant de son lit et écrasant un bébé sous le poids de son dos. On remarque aussi le visage d’un vieillard gisant mort au sol. Cette oeuvre est considérée comme l’une des premières manifestations artistique du Réalisme. C’est aussi de la part de Daumier, un acte politique, une révolte contre la répression violente et aveugle du gouvernement de Louis-Philippe. Devant la crudité et le choc esthétique de l’image, le roi avait cherché à la censurer, à saisir les épreuves et la pierre, mais n’y était pas parvenu ou alors trop tardivement. La lithographie était si brutale qu’elle se diffusa et s’exposa rapidement aux yeux du public. L’image que représente cette lithographie est une des plus saisissantes de l’histoire du XIXe siècle en France. Quelques années plus tard, Charles Baudelaire écrira à son propos : « Ce n’est pas précisément de la caricature, c’est de l’histoire, de la terrible et triviale réalité ». 

Le Massacre de la rue Transnonain, lithographie d’Honoré Daumier (1808-1879)

On a tendance à oublier l’histoire de cette tragédie que le journaliste et caricaturiste Charles Philipon (1806-1862) a comparé à une « boucherie ». Revenons aux faits. À la joie et au soulagement de voir les Bourbons quitter le trône de France en juillet 1830, succède assez rapidement une crispation sociale et politique. De nombreux mouvements populaires agitent le pays et la répression qui s’exerce doublée d’une crise économique renforcent l’opposition républicaine (favorables à l’origine au niveau régime orléaniste). 

La menace que les  groupes républicains (dont les sociétés secrètes) font peser sur la stabilité du régime force Louis-Philippe à prendre des mesures de coercitions. Plusieurs lois sont votées par le  gouvernement qui interdisent les associations politiques, renforcent la censure et facilitent les révocations d’autorisations dont dépendent les journaux pour paraître. Devant de telles mesures liberticides, le journaliste Armand Carrel (1800-1836) invite ses lecteurs du National à « répondre à la suspension de l’égalité par la suspension de l’ordre public ». 

Louis-Philippe Ier, roi des Français (1773-1850)

Le 9 avril 1834, soit 5 jours avant les évènements de la rue Transnonain, une manifestation a lieu à Lyon (manifestation organisée par la Société des Droits de l’Homme et le Conseil exécutif des sociétés ouvrières de secours mutuel). Une émeute éclate (9-12 avril) et s’étend à Paris (13 avril). 

Plusieurs foyers de révolte se soulèvent à Paris dans les quartiers populaire du centre (autour particulièrement de l’actuel quartier Beaubourg). Le 14 avril, proche d’une barricade formée dans la rue Transonain, un capitaine d’infanterie est blessé par un coup de feu provenant d’un immeuble. Ce coup isolé met le feu aux poudres. La répression sera disproportionnée. Douze des cinquante occupants de l’immeuble du 12 rue Transnonain (dont des femmes, des enfants et des vieilles personnes) furent massacrés et tués par les troupes militaires. Quatre autres personnes furent grièvement blessées.  Le choc dans l’opinion est terrible et ternit aussi bien l’image de la monarchie orléaniste que son armée.

Nous proposons ce mois-ci à notre catalogue un rarissime document historique concernant ce massacre. Il s’agit d’un imprimé reproduisant une lettre écrite par l’officier (et futur général) Pierre-Louis Charles de Failly (1810-1892) qui est resté célèbre pour sa grande cruauté dans l’histoire du massacre de la rue Transnonain.

Nous reproduisons ci-dessous quelques extraits de cette lettre de Failly, tenant de justifier sa conduite le 14 avril 1834  :

« En attendant les preuves judiciaires, voici un officier du 45e ligne qui repousse avec indignation les calomnies dont son régiment a été victime ; il a adressé au National la lettre suivante,

Aux rédacteurs du National.

« M. le Rédacteur,

En exposant les évènements malheureux dont la rue Transnonain a été le théâtre, vous avez paru accepter comme vrai tous les on dit que la malveillance et l’esprit de parti se sont plu à enfanter, et comme ils flattaient votre haine, vos antipathies, vous n’avez pas voulu attendre que la vérité tout entière sortit des débats qui venaient de s’engager, et vous n’avez pas craint de flétrir d’épithètes infamantes un régiment à qui l’on ne peut reprocher que son inflexibilité dans le devoir.

Aujourd’hui, nous repoussons hautement ces épithètes comme flétrissantes (…) Oui, nous sommes plus que des hommes faits pour massacrer et être massacré ; nous avons aussi un coeur qui se déchire au douloureux souvenir des événements qui viennent de se passer. Plus qu’à personne il nous est permis de nous plaindre, car nos pertes sont amères, nos plaies encore saignantes ; et cependant nous pleurons sur tout le sang versé. 

Nous déplorons les excès qui peuvent se commettre pendant l’exaltation du combat : le sang excite à verser le sang ; sa vue enivre : mais il n’est pas vrai qu’on puisse accuser nos soldats d’une cruauté qui n’est pas dans leur caractère. Oui, je le répète, nous déplorons les malheurs qui ont pu arriver ; mais nous ne les avons point provoqués, et le sang fratricide ne doit pas retomber sur nos têtes. 

(…)

Lundi au matin, cinq barricades sont enlevées par les voltiguers commandés par l’intrépide capitaine Dupont de Gault, qui tombe blessé d’un coup de feu, au moment où, le premier, il franchit la dernière. Ma compagnie arrive dans la rue Transnonain. Des coups de fusil sont tirés des deuxièmes et troisièmes étages du n°12. Ce ne sont pas des on dit que je rapporte ici, mais des faits. Le brave capitaine Rey, à la tête de ses grenadiers, qui nous précédaient, est frappé à mort. L’ordre est donné de pénétrer dans les maisons d’où est parti le feu. Deux portes de magasin sont enfoncées avant la porte du n°12 ; un de ses habitants, loin de s’empresser à l’ouvrir, comme on a bien voulu le prétendre, tire un cou de fusil au moment où elle cède sous les efforts des sapeurs-pompiers (…) Personne, nous l’attestons sur l’honneur, n’a entendu les cris : voilà la ligne ! voilà nos libérateurs !

(…) des armes sont trouvées dans divers appartemens. Dira t-on qu’il n’y avait dans cette maison que des locataires paisibles et inoffensifs ? Qui donc a tiré et pourquoi ces étrangers ? Pourquoi un poignard sur une table, des fusils, des pistolets encore noircis de poudre et cachés à la hâte ? ».

Vous retrouverez ce document historique sur le site internet de notre galerie ainsi que toutes nos lettres autographes concernant la Monarchie de Juillet.

La rue Transonain n’existe plus aujourd’hui. Elle a disparu au milieu du XIXe siècle lors de l’élargissement de la rue Beaubourg.

Un agent au service des Rois : le mystérieux Baron de Batz

Notre galerie propose actuellement à son catalogue une très rare et intéressante lettre autographe du légendaire agent et aventurier royaliste Jean-Pierre de Batz (1754-1822). Pour les passionnés de la Révolution française, et pour ceux qui ont été et sont encore sensibles au sort de la famille royale, le Baron de Batz est une grande figure de l’ombre de la Contre-Révolution. Il est celui qui aurait tenté de sauver Louis XVI de l’échafaud. Le 21 janvier 1793, Batz aurait eu pour projet de lever une petite armée de 2.000 gentilhommes chargée d’enlever le roi lors de son (long) parcours entre la prison du Temple et la place de la Révolution. La tentative échoua faute a priori d’une mobilisation suffisante des défenseurs de Louis XVI. 

Le Baron de Batz (1754-1822)

À Paris, une plaque commémore cet épisode  à l’endroit même de la tentative d’enlèvement, 52 rue de Beauregard (2e arrondissement). Cette plaque a été posée en 1989 dans le cadre du bicentenaire de la Révolution française.

Néanmoins, des doutes subsistent sur la réalité d’un projet qui est entré dans la légende du royalisme. Les faits seraient nés d’une dénonciation d’un membre du Tribunal révolutionnaire. Cette dénonciation était appuyée par les dires de Pierre Devaux secrétaire personnel de Batz. Or, aucun procès-verbal ou document judiciaire ne nous sont parvenus validant la véracité des faits. Peut-être, pouvons-nous mettre cette absence de sources écrites officielles sur le compte des destructions d’archives qui ont émaillé l’histoire depuis. Toutefois, une chose semble sûre, nous savons que des royalistes ont été tués sur le parcours du roi le menant à la guillotine, et notamment dans le quartier de Bonne-Nouvelle (où se situe encore aujourd’hui la rue Beauregard). 

Quoi qu’il en soit, le mystère entourant le Baron de Batz est auréolé par sa capacité à n’avoir jamais été arrêté alors qu’il était sévèrement recherché sous la Terreur. Certains disent même qu’il avait empêché Robespierre de dormir…
Après l’exécution de Louis XVI, Batz était resté à Paris dans un état de semi-clandestinité. En octobre 1793 il est désigné par le Comité de Salut public comme un des responsable de l’affaire de la liquidation de la compagnie des Indes. Batz est accusé d’avoir voulu ruiner la République (dénoncé par François Chabot à Robespierre alors que Chabot lui-même était accusé). Recherché activement, Batz voyage en province et en Suisse et échappe aux recherches. Il revient à Paris au moment du soulèvement royaliste du 13 vendémiaire   auquel il participe (25 octobre 1795). Il est emprisonné et finalement relâché grâce à sa future épouse (qui avait eu la présence d’esprit de détruire tous les documents suspects à son domicile avant la mise des scellés). Rayé de la liste des émigrés sous le Consulat, Batz cesse toutes activités politiques et se réfugie dans son domaine auvergnat de Chaudieu.

Les Bourbons de retour sur le trône en 1814, Batz est couvert d’honneurs et obtint le grade de maréchal de Camp et la croix de Saint-Louis. La lettre autographe signée du Baron de Batz que nous proposons est écrite quelques jours avant l’arrivée de Louis XVIII à Paris. Elle est datée du 20 avril 1814, quelques jours après l’abdication de Napoléon Ier. Cette lettre semble conclure un cycle et témoigne du soulagement et de la loyauté d’un fervent royaliste qui aura consacré presque toute sa vie à la cause des Bourbons. Voici sa retranscription : 

« Monseigneur,

Si votre altesse Royale a daigné conserver quelque mémoire de mon dévouement, comme j’ai l’orgueil de l’espérer, elle me plaindra de n’avoir pas été des premiers à ses pieds à son arrivée en France. Il n’y aurait pas d’expressions pour mes regrets s’il n’avait pas été utile, peut-être, que je veillasse ailleurs ; et dans ces derniers temps, à Montpellier, ville principale qu’environnaient des chances périlleuses. Tout y était organisé pour un courageux effort ; mais la main de Dieu devait seule nous rendre les Bourbons, et la félicité, la réhabilitation de la France, attachées uniquement à leur retour.

Lettre autographe signée du Baron de Batz à Louis XVIII quelques jours après l’abdication de Napoléon Ier.

Quelques derniers renseignements précieux à recueillir, et des sollicitations auxquelles j’ai dû céder, me retenant quelques moments encore, je ne puis soutenir l’idée de paraître en retard, ou d’un zèle faible. Daignés donc me pardonner, Monseigneur, d’oser vous assurer qu’aucun français ne me surpasse en dévouement à la plus sainte des causes, et à votre altesse Royale personnellement. 

Je vais d’autant plus me hâter de retourner à Paris, que j’apporterai des notions utiles sur les choses et les personnes pour assurer le parfait repos et la satisfaction générale de ces contrées qui méritent une attention particulière. Peut-être même pourrai-je offrir les moyens de rendre un plus important service.

Au terme de tant de calamités, combien il me sera doux, Monseigneur de pouvoir présenter de nouveau à votre altesse Royale, les félicitations et le dévouement qui ne s’est jamais démenti, de la même noblesse d’Albret dont elle avait daigné accepter la députation : ce souvenir ne mourra jamais sur le territoire qui a été le premier patrimoine de notre immortel Henri votre aïeul.

Je suis avec respect,

Monseigneur,

de votre alterse Royale

Le plus fidèle, le plus dévoué et le plus passionné serviteur.

Le Bon de Batz ».

Notons enfin que les écrits du Baron de Batz sont excessivement rares. Vous pouvez retrouver tous nos autographes de la Révolution française sur le site internet de notre Galerie.

Plaque commémorative de la tentative d’enlèvement du roi Louis XVI par le Baron de Batz et ses hommes (21 janvier 1793)

Le Tombeau de Chateaubriand : une lettre autographe

Notre galerie présente ce mois-ci une très belle lettre signée de François-René de Chateaubriand (1768-1848). Datée d’août 1841, écrite de Paris, et adressée au journaliste et historien Pitre-Chevalier (1812-1863), Chateaubriand demande probablement à son correspondant de faire suivre une lettre à son cousin Frédéric de Chateaubriand, fils d’Armand de Chateaubriand (1768-1809) dont l’écrivain n’oublie pas de dire qu’il a été « fusillé par Bonaparte ».

Agent royaliste et soldat de l’armée de Condé, Armand de Chateaubriand fut condamné à mort par une commission militaire et fusillé le 31 mars 1809. Dans les Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand écrira : « Le jour de l’exécution, je voulus accompagner mon camarade d’enfance sur son dernier champ de bataille; je ne trouvais point de voiture, je courus à pied à la plaine de Grenelle. J’arrivais, tout en sueur, une seconde trop tard : Armand était fusillé contre le mur d’enceinte de Paris. Sa tête était brisée; un chien de boucher léchait son sang et sa cervelle… ».

Toujours dans cette lettre, Chateaubriand envie Pitre-Chevalier de se rendre en Bretagne et particulièrement dans la région de Saint-Malo où l’écrivain a passé son enfance. Une « patrie » écrit-il  « que je n’ai pas visitée depuis 50 ans. Je n’y connais plus personne et personne ne m’y reconnaitrait ». 

Enfin, Chateaubriand termine la rédaction de la lettre par cette phrase qui fait office de voeu : « Vous trouverez peut-être une pierre sans nom préparée pour me couvrir au bord de la mer dans un îlot de sable où je désire être enterré… ». 

Dès 1823, Chateaubriand avait commencé à chercher un lieu en bord de mer, une île idéalement, pour y être enterré. En 1828, il adresse une demande spécifique au maire de Saint-Malo : que lui soit concédée la pointe ouest de l’île du Grand Bé. Si cette demande embarrasse dans un premier temps la municipalité qui n’accorde pas son autorisation, un admirateur de l’écrivain appuie en 1831 sa demande auprès du nouveau maire qui accepte ce désir à la condition que le ministre de la Guerre y consente aussi. Détail atypique, le tombeau sera terminé dix ans avant la mort de l’écrivain (en 1838). 

Il est possible aujourd’hui, à marée basse de se rendre à pied sur l’ile de Bé et d’admirer le tombeau. Si à l’origine aucune n’inscription n’y figurait, une plaque fut posée où l’on peut lire : « Un grand écrivain français a voulu reposer ici pour n’y entendre que le vent de la mer. Passant respecte sa dernière volonté ». 

Retrouvez toutes nos lettres autographes de Chateaubriand sur le site de notre galerie.

L’exécution d’un collaborateur en 1944 : une lettre autographe pendant l’épuration.

Ce mois-ci notre galerie propose une très intéressante lettre autographe relative à l’exécution du fonctionnaire et préfet de la Lozère Roger Dutruch (1893-1944). Nommé à son poste en 1941 par le gouvernement de Vichy, Roger Dutruch est mort fusillé après jugement d’un comité de résistance le 28 septembre 1944. Il lui avait été principalement reproché sa collaboration avec la gestapo et l’armée allemande lors de la sanglante répression contre le maquis Bir Hakeim en mai 1944 (61 résistants morts dont 35 fusillés et torturés).

Lettre autographe signée au sujet de l’exécution du préfet de Lozère Roger Dutruch en septembre 1944

Cette lettre est écrite par le beau-père de Roger Dutruch et adressée au maire d’Etrechy (Essonne). Nous retranscrivons ci-dessous quelques passages de ce témoignage qui met en lumière cette période trouble, ce moment de flottement historique où les haines, les ressentiments, les menaces de guerre civile, la fragilité d’un régime à reconstruire, les humiliations, sont à leur paroxysme :

« Mon pauvre gendre a été fusillé par une bande de brigands maitres de tout le département, après l’avoir incarcéré ils l’ont lâchement assassiné avant d’avoir reçu le recours engrave que le général de Gaulle avait expédié, précipitant ainsi le dénouement de ce drame horrible. Mon gendre, après s’être préparé chrétiennement à la mort a fait preuve d’un courage héroïque. « Sa mort, m’a dit ma fille, a été celle d’un saint et d’un héros ». Avant de mourir il a crié « Vive la France, je donne ma vie pour le salut de la France » ; et comme le chanoine qui l’assistait  lui disait qu’il allait célébrer pour lui la sainte messe, il a répondu qu’il le remerciait et qu’il y assisterait de là-haut. Telles furent ses dernières paroles.  (…)Pour vous donner le détail circonstancié de ce drame, il faudrait bien des pages où je pourrais étaler la perversité et la haine des assassins. ceux-ci, non contents de l’avoir tué ont inventé pour justifier leur crime cette rubrique : « exécuté pour intelligence avec l’ennemi » !!! Quelle sanglante ironie ! Tout prouve le contraire ; mais le tribunal révolutionnaire a voulu tout étouffer et l’avait condamné d’avance ainsi que cela se passait en 1793. Et voyez jusqu’ou peut aller le sadisme du crime, la lâcheté de la conscience humaine. (…)Non content d’avoir lâchement massacré un des meilleurs fonctionnaires de l’administration, on a voulu ternir sa mémoire et le déshonorer en prétendant qu’il était d’intelligence avec l’ennemi ; lui qui haïssait les allemands de tout son coeur, qui s’était engagé volontaire en 1914, qui a eu la croix de guerre et une belle citation, qui a été décoré de la légion d’honneur pour fait de guerre, qui a été blessé à Verdun et est retourné aux premières lignes sans attendre la guérison de sa blessure. Et que dire encore ? De ses qualités comme époux, père, ami et préfet ! Il vous suffira de savoir que toute la population de la ville capitale du département et même du département tout entier, n’a eu qu’un cri d’horreur pour protester contre un pareil forfait... »

Retrouvez tous nos documents historiques et nos lettres autographes sur note site internet.

Une des dernières lettres autographes du Maréchal Berthier avant sa mort (1815)

Notre Galerie propose actuellement à son catalogue une très émouvante lettre autographe (peut-être la dernière) du chef de l’État-Major de Napoléon Ier, le maréchal Louis-Alexandre Berthier (1753-1815). Pour ceux qui connaisse l’histoire du Premier Empire, la mort de ce maréchal est un mystère.

Rallié aux Bourbons après la première abdication de Napoléon Ier (avril 1814), le maréchal Berthier accueille lui-même Louis XVIII à Compiègne et est nommé pair de France. Son attitude aura été très critiquée mais elle s’explique aussi par une profonde lassitude après tant d’années de conquêtes, de batailles, de diplomaties et de retournement de situation. À 61 ans, comme d’autres maréchaux, Berthier ne souhaite plus que la paix. Au retour de Napoléon en mars 1815, Berthier suit Louis XVIII dans son exil à Ostende, ce qui lui vaut d’être rayé de la liste des maréchaux. Finalement, il part se réfugier dans son château de Bamberg en Bavière.

Tiraillé par ses sentiments de fidélité et son admiration pour Napoléon, Berthier tente de revenir en France. Mais il est assigné à résidence et est fait prisonnier de son château par le chancelier Metternich. Les adversaires de Napoléon savent trop bien l’importance que représente Berthier, maréchal de l’ombre mais lieutenant et logisticien redoutable.
Berthier, emprisonné dans sa demeure, bascule selon les témoins dans un profond état dépressif. Le 1er juin 1815, quelques jours seulement avant la bataille de Waterloo, Berthier est retrouvé mort après une chute du fenêtre du troisième étage de son château. Crime, accident ou suicide ? Les spéculations depuis deux cent ans vont bon train.

Notre lettre autographe a été écrite une semaine avant sa mort. Il écrit ce 22 mai 1815 au duc de Feltre et lui annonce qu’il a remis officiellement sa démission à Louis XVIII :

« Mon cher Duc de Feltre.
J’ai reçu votre lettre et en même temps une du Roy, l’état de ma santé est toujours mauvais, j’ai un bras presque perclus et je suis obligé de persister à me retirer de toute fonction militaire et conformément à ce que vous me prescrivez par votre lettre, j’adresse au Roy officiellement ma démission dans les termes de la lettre dont copie est ci-incluse. Vous me connaissez depuis 30 ans mon cher duc, assuré le Roy de ma fidélité dans ma retraite chez mon beau-père ou je suis occupé à soigner ma santé – en continuant les tristesses dans lesquelles je suis. Conservez moi mon cher duc, les sentiments de votre ancienne amitié.
Le Prince de Wagram.
Alexandre » 

Lettre autographe signée du maréchal Berthier en date du 22 mai 1815. Une semaine avant sa mort mystérieuse.

Napoléon regrettera beaucoup l’absence de son lieutenant. À Sainte-Hélène, il confia à Las Cases : « Si j’avais eu Berthier, je n’aurais pas eu ce malheur« . Ce malheur fut Waterloo.

Retrouver tous nos autographes du premier empire et nos autographes de Napoléon sur le site internet de la Galerie Thomas Vincent.

La Révolution de 1830 : une lettre autographe de Béranger. Un témoignage historique.

À notre catalogue de lettres autographes, nous proposons actuellement une fantastique lettre du chansonnier Pierre-Jean de Béranger (1780-1857). Et si j’use d’un superlatif aussi fort, je vous en donne les raisons.

Pierre-Jean de Béranger, lettre autographe signée en date du 30 juillet 1830 dans laquelle il annonce la proclamation de Louis-Philippe d’Orléans.

La Révolution de 1830 dites des « trois glorieuses » à savoir les journées du 27, 28, 29 juillet, trouve son origine dans l’inflexibilité du roi Charles X qui tenta le 25 juillet par une série d’ordonnances (les ordonnances de Saint-Cloud) de museler l’opposition des parlementaires libéraux. Que désiraient ces derniers ? Majoritaires à la Chambre, les libéraux se défiaient du nouveau ministère gouverné par le très réactionnaire prince de Polignac. les libéraux militaient pour un assouplissement du régime et une nouvelle charte : constitutionnelle et monarchique (toujours) mais parlementaire, à l’anglaise. C’est-à-dire que chaque gouvernement serait tenu d’avoir la confiance de la majorité de la Chambre des députés et non uniquement de celle du Roi. Aussi, les libéraux (menés par Adople Thiers, Armand Carrel, Casimir Périer, Benjamin Constant, Royer-Collard…) demandaient au souverain davantage de libertés, notamment celle de la presse. En mars 1830, 221 députés votèrent une défiance à l’encontre du gouvernement Polignac. Charles X balaya la contestation par une indifférence ostensible, maintint Polignac et mit en vacances le Parlement pour six mois… Les tensions politiques et sociales s’attisèrent jusqu’au 25 juillet où Charles X décida par ses ordonnances de suspendre la liberté de la presse, de dissoudre la Chambre des députés qui venait d’être élue (très majoritairement libérale), et de relever d’un cran le cens électoral (le droit de vote était conditionné à un certain niveau de fortune) afin d’écarter du jeu parlementaire la moyenne bourgeoisie dont était issue la majorité des libéraux. Ces ordonnances, qui flirtaient dangereusement avec l’absolutisme honni, débouchèrent inévitablement sur un violent mécontentement populaire et une Révolution qui en rappelait une autre.

Alors, que vient faire ici Pierre-Jean de Béranger ? Il faut savoir que le maître-chansonnier était un farouche adversaire de l’Ancien Régime et du cléricalisme. À partir de 1814 (et de l’accession de Louis XVIII au trône) Il usait de ses chansons comme d’une arme de propagande, s’en prenant à la Restauration en rappelant les glorieux souvenirs de la Révolution et de l’Empire. Très populaire, Lamartine l’appelait « L’Homme-Nation ». Plusieurs fois condamné et incarcéré à la prison de Sainte-Pélagie, Béranger ne cessa jamais d’attaquer violemment les différents gouvernements sous Louis XVIII et Charles X.

Le chansonnier Pierre-Jean de Béranger (1800-1883).

Cette lettre autographe signée de Béranger, est écrite le 30 juillet à 10 heures du matin, au lendemain de la dernière journée d’émeute et le matin même des tractations politiques qui décidèrent du sort de la France en nommant Louis-Philippe Roi des Français. Au moment où Béranger écrit cette lettre, il se trouve alors dans les salons de l’homme le plus influent de la Révolution de Juillet, celui qui prit l’initiative de proposer Louis-Philippe d’Orléans à la gouvernance du Royaume, à savoir le banquier Jacques Laffitte (1767-1844). Dans cette lettre, Béranger écrit :

« Je me porte fort bien ; la cour vient de quitter St Cloud. Les Parisiens ont été admirables de courage et de sagesse. Le peuple parait vouloir proclamer le Duc d’Orléans ; je devrais même dire qu’il le proclame, car c’est généralement sur lui qu’on jette les yeux, et les proclamations imprimées l’annoncent ; Je suis auprès des députés réunis chez Laffitte. Vive la nation ! Tout le monde a les couleurs nationales. Je vous embrasse tous. Béranger. 30 juillet à 10h ».

Cette lettre autographe est un témoignage historique très émouvant de la Révolution de 1830, elle est écrite sur le fil de l’histoire, au moment même où tout bascule, où La France divorce avec la maison capétienne de Bourbon. On imagine Béranger assit sur une chaise devant un guéridon, dans le coin d’un vaste salon, entouré des principaux acteurs de cette révolution, écrire fiévreusement « Vive la Nation ! ».

Cette lettre autographe signée de Pierre-Jean de Béranger est disponible à notre catalogue, sur notre site internet : www.galeriethomasvincent.fr

Un autographe de Napoléon après la bataille d’Eylau (1807)

Notre galerie propose actuellement une lettre très intéressante de l’empereur Napoléon Ier. Écrite le 2 mars 1807, d’Osterode (Ostróda en Pologne), quelques jours seulement après la sanglante bataille d’Eylau (8 février 1807), cette lettre est tout à fait représentative du caractère de Napoléon Ier ; à savoir, nerveux, autoritaire et fin stratège. Nerveux surtout car l’Empereur après sa victorieuse campagne en Prusse à l’automne 1806, et malgré sa victoire à Eylau, ne triomphe pas totalement de ses adversaires russes. Il faudra attendre seulement la bataille de Friedland en juin 1807 pour que Napoléon puisse asseoir et son hégémonie et sa volonté (ce qui débouchera sur le traité de Tilsitt en juillet 1807 et à la fin de la quatrième coalition européenne).

Dans cette lettre écrite au général Jean-François Aimé Dejean (1749-1824), qui sera fait comte de l’Empire l’année suivante, Napoléon dicte sa décision : « Monsieur Dejean, je reçois votre rapport par lequel vous concluez que l’armée doit avoir plus de fusils que d’hommes. Sans doute, si elle n’en avait pas consommé, une bataille comme celle d’Austerlitz coûte au moins 12000 fusils, de grande marches en coûtent aussi. Jugez. Vous pouvez aisément juger des nombres qu’on en a perdu depuis deux ans, ce n’est pas exagéré que de les porter à soixante mille. Sans les fusils autrichiens et saxons, le France aurait du en fournir bien davantage. .. »

La lettre est écrite par Claude-François de Méneval (1778-1850) qui fut le secrétaire et plus proche collaborateur de Napoléon entre 1802 et 1813. L’Empereur signe la lettre d »un « Napol ». Cet autographe de napoléon est disponible à notre catalogue.

Victor Hugo de retour d’exil

Notre Galerie propose ce mois-ci une intéressante lettre autographe signée de Victor Hugo. Cette lettre écrite de Paris est datée du 16 octobre 1870 et est adressée à Albert Barbieux (journaliste et gérant au quotidien Le Rappel).

Cette lettre est datée seulement que de quelques semaines après le retour de Victor Hugo en France (5 septembre 1870). À la suite du coup d’état de Napoléon III (2 décembre 1851), l’écrivain s’était rapidement opposé au nouveau régime. Poursuivi par la police impériale, sa famille et lui s’étaient réfugiés à Bruxelles en 1852 puis à Jersey et Guernesey, dix-huit longues années sans revoir la France. Cette lettre est relative à son recueil Les Quatre vents de l’esprit. Hugo avait commencé à réfléchir puis à travailler sur ce nouveau recueil en 1870. Il écrivit à ce propos : « J’ai une oeuvre prête à être lancée à la mer… » (mai 1870). Les évènements de la Commune puis l’avènement de la IIIe République, retardèrent la publication. Le livre ne sera édité finalement qu’en mai 1881.

Victor Hugo à Guernesey où il trouva refuge entre 1855 et 1870.

Nous retranscrivons ici le contenu de cette lettre : « Mon honorable et cher concitoyen Albert Barbieux, en réponse à votre lettre en date du 13 octobre courant, j’ai l’honneur de vous faire savoir que j’accepte, en ce qui concerne mon traité avec M. Lacroix (27 septembre 1868), le remplacement de MM. Lacroix et Panis par la société du Rappel, et que je tiens à la disposition de la société le manuscrit des Quatre vents de l’Esprit. Recevez l’assurance de mes sentiments de cordialité. Victor Hugo ».

Cette lettre (reproduite ci-dessous) est en vente à notre galerie : https://www.galeriethomasvincent.fr/1267-hugo-victor-autographe.html

Lettre autographe signée de Victor Hugo en date du 16 octobre 1870.